Le cabinet d’architecture Rivat (Saint-Etienne et Paris), est en train de battre en brèche la morale enseignée depuis des décennies par le conte des trois petits cochons, comme quoi mieux vaudrait construire en brique qu’en bois ou en paille… L’agence développe plusieurs programmes de constructions passives en maisons individuelles et petits immeubles en ossature bois et isolation paille. Rencontre avec Sébastien Faudrin, architecte associé au cabinet Rivat.
Pourquoi construire en paille ?
J’avancerai deux raisons. D’une part cela permet de recycler un déchet agricole, la paille, qui n’a pas vraiment de valeur dans un circuit classique. C’est en outre un matériau qui permet une proximité d’approvisionnement à la fois géographique (on trouve de la paille partout) et humaine car je pense que cela peut permettre de rapprocher les hommes. L’autre raison réside dans le fait de savoir de qui on a le plus peur aujourd’hui : du grand méchant loup ou de la facture énergétique ? La paille est un matériau d’isolation très performant qui permet de réaliser des constructions passives.
Est-ce que construire en paille est vraiment durable dans le temps ?
Oui, bien sûr. Nous connaissons un certain nombre de maisons en paille porteuse qui ont plus d’un siècle. Concrètement, dans les ballots, la paille est extrêmement compactée. De ce fait elle n’est pas menacée par les rongeurs, elle résiste très bien au feu et n’est pas sensible aux insectes car il n’y a rien à manger dedans. En fait la paille ne craint qu’une chose, l’eau. Nous faisons donc en sorte qu’il n’y ait pas d’infiltration. Cela dit n’importe quel bâtiment, dans n’importe quel matériau se dégrade en cas d’infiltration d’eau.
De ce point de vue, je dirai même que notre mode constructif présente un avantage majeur. Comme nous faisons nos bâtiments en ossature bois et isolation paille, celle-ci n’est pas porteuse et peut donc être facilement remplacée en cas de problème.
Justement, pouvez-vous détailler votre mode constructif ?
Nous réalisons une ossature bois en atelier que l’on garnit ensuite de paille.
Puis on referme le module pour qu’il puisse être directement montable sur le chantier.
Du coup, une fois que le radier est coulé et sec, nous sommes capables de poser le clos-couvert en 24-48 heures pour une maison de 100 m2. Il n’y a plus ensuite qu’à travailler l’étanchéité à l’air. Ces maisons se construisent donc très rapidement.
Â
Est-ce que les maisons en paille se démocratisent vraiment ?
Oui. On voit que la filière est en train de se structurer. Au sein de l’agence, les constructions passives représentent 80 % de notre production et l’isolation en paille environ 20 %. Et nous constatons qu’il y a de plus en plus de demandes dans des appels d’offre nationaux.
Vous faites de l’habitat collectif, des immeubles, en paille ?
Oui. Après les maisons des Jardins Clemenceau à Saint-Etienne, nous avons, toujours dans la capitale forézienne, le projet Habiter les Arbres, sur le site Gambon, qui consiste à construire 14 logements en trois unités d’habitations. Et puis nous travaillons sur des projets plus importants ailleurs en France comprenant 50 à 80 logements en bâtiments de 20 à 30 appartements sur 4 à 5 étages. Nous travaillons également sur un projet d’hôpital en isolation paille. A chaque fois il s’agit d’une ossature bois porteuse avec panneau sandwich comprenant un isolant paille.
Et en termes de coût ?
C’est un peu plus cher qu’une construction passive conventionnelle car un peu plus de mise en Ĺ“uvre et de main d’œuvre. Or aujourd’hui on taxe plus la main d’œuvre que les matĂ©riaux polluants…
Â
Est-ce qu’on peut envisager que les coûts baissent dans l’avenir ?
On pense en effet que les coûts vont se lisser avec ceux du passif conventionnel.
Et pour ce qui est de la qualité de vie ?
Les retours que nous avons sont très positifs. Les gens sont ravis, les maisons sont très confortables, et ils se chauffent pour 1 euro par m2 et par an !
Par ailleurs, comme le projet du site Gambon à Saint Etienne, nous avons prévu un système de recyclage total de l’eau de pluie sur la parcelle. Elle sera stockée dans de grands bassins d’infiltration sou-terrains pour être repompée en été et être projetée en brumisation extérieure en période de forte chaleur. Cela permettra d’arroser les espaces verts et de faire baisser la température. Nous avons fait des simulations et c’est vraiment impressionnant ! Une partie de cette eau de pluie sera aussi réutilisée dans les sanitaires.